Bilan de la mutuelle santé obligatoire
Entrée en vigueur au 1er janvier 2016, la mutuelle santé obligatoire pour les entreprises privées promettait de bousculer le monde des complémentaires. Qu’en est-il réellement ? Quel bilan peut-on tirer de cette mesure après bientôt un an ? Les salariés français ont-il pu profiter tous et toutes d’une mutuelle professionnelle ?
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La mutuelle obligatoire d’entreprise : rappel
Petit rappel : la mutuelle santé obligatoire d’entreprise est une mesure qui découle d’un accord national interprofessionnel (ANI) adopté en 2013 et entré en vigueur au 1er janvier dernier. Son but ? Imposer à toutes les entreprises privées de France la mise en place d’une complémentaire santé collective au profit de tous les employés, avec un seuil de couverture minimum.
Sauf exception, tout salarié d’une entreprise, d’une association ou d’une fédération couvert par une mutuelle à titre individuel devait passer, dans le courant de l’année, à la complémentaire de groupe proposée par son employeur, sauf exceptions (titulaires d’un CDD, salariés d’une société qui propose déjà une couverture collective, etc.). La loi prévoyait également la possibilité, pour toute personne, de souscrire une « surcomplémentaire » auprès d’un organisme comme la Maaf.fr.
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Un an après la mise en place de cette mutuelle obligatoire, quel en est le bilan ? Les entreprises ont-elles appliqué l’accord ? Les employés sont-ils mieux couverts ?
Les petites entreprises en première ligne
Globalement, on constate que les entreprises concernées par l’adoption d’une mutuelle collective se sont montrées attentistes, surtout les petites structures qui n’étaient pas équipées : elles ont attendu le dernier moment pour souscrire une couverture, et parfois même dépassé la date limite. Les grandes entreprises sont moins touchées, étant dans la plupart des cas déjà équipées avec une complémentaire adéquate.
En mai, le cabinet Deloitte dressait un premier bilan (à lire ici) : en fin de premier trimestre, 1 salarié sur 5 avait changé de contrat mutuelle en faveur de la couverture de groupe. Et selon certaines estimations, il ne resterait plus qu’environ 15 % des TPE à couvrir.
Un certain manque de volonté
Toutefois, nombreuses sont les entreprises qui n’ont pas souscrit une mutuelle collective de bon cœur. L’absence de sanctions en cas de non-application a sans doute incité les dirigeants à patienter, le seul risque étant qu’un ou plusieurs employés lancent une action devant les prud’hommes. Pour les chefs d’entreprises, cette mesure pèse sur les coûts, car l’employeur doit prendre en charge 50 % de la cotisation mensuelle.
Autre point négatif : l’étendue des couvertures. L’ANI contraint à la souscription d’un « panier de soins » minimal, une mutuelle de base choisie par deux tiers des entreprises. En comparaison, les couvertures moyen de gamme ont été privilégiées par 18 % des entreprises, et les couvertures haut de gamme par 16 % d’entre elles. Le contrat moyen tourne ainsi autour de 25 €, ce qui ne représente pas une protection optimale, loin de là.
Mutuelle et surcomplémentaire
De fait, c’est là l’un des effets pervers de cette mesure : en contraignant les salariés à souscrire la mutuelle collective prévue par leur employeur, elle les oblige parfois à passer d’une bonne couverture à une protection médiocre. Habitués à choisir une mutuelle en fonction de leurs besoins propres, quantité de Français se sont retrouvés avec un « panier de soins » très en dessous de leurs attentes.
Pour preuve : l’explosion des contrats de surcomplémentaire, une mutuelle qui vient s’jouter à la couverture d’entreprise, notamment pour prendre en charge les frais lourds comme l’hospitalisation et les dépassements d’honoraires. Ces contrats ajoutés se déploient sur une fourchette allant de 10 à 60 € par mois, soit presque le prix d’une mutuelle individuelle classique !
Certains courtiers évoquent un taux de 70 % des entreprises de leur portefeuille qui s’équipent en surcomplémentaires. Et, dans de nombreux cas, des salariés ont évoqué des cas de dispense pour ne pas avoir à changer leur mutuelle privée – quand d’autres n’ont pas tout simplement refusé de résilier leur contrat pour adopter celui de l’entreprise.
La situation des contrats précaires ne change pas
Cette poussée de la surcomplémentaire et le regard ambivalent porté sur la mesure par un grand nombre de salariés interroge sur la finalité de cette loi. D’autant plus que les contrats les plus précaires ne sont pas concernés par l’ANI, et que les indépendants, les non-salariés, les salariés en contrat court, les chômeurs et les séniors ne bénéficient pas de cette protection obligatoire.
Dans la mesure où 95 % des Français salariés avaient déjà souscrit un contrat mutuelle avant le 1er janvier dernier (selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, publiée en avril), et où les plus précaires ne profitent pas des contrats de groupe obligatoires, on peut légitimement se demander si la volonté égalitaire de cette loi ne serait pas en train de créer encore plus de disparités qu’auparavant. Réponse définitive au prochain bilan, dans un an !